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Le hameau des buis, une écologie collective

Dans la garrigue du sud de l’Ardèche, proche de Lablachère, se trouve un pôle écologique, le Hameau des Buis, un lieu de vie basé sur l’habitat groupé et le respect de l’environnement.
Innovant et non conventionnel, ce projet en devenir s’écrit comme une véritable aventure humaine.

Il est 6h du matin, le soleil se lève sur une belle journée de juin. Une quarantaine de personnes sort du réfectoire, un bâtiment en bottes de paille. Les différentes équipes se répartissent sur le chantier du Hameau des Buis : charpente, enduit terre/paille, montage de mur en pierres sèches, finition bois, terrassement, menuiserie et cuisine. A 10h, c’est la pause casse-croûte. Tous les âges sont représentés, de 16 à 74 ans, les hommes et les femmes prennent en main les outils de construction accompagnés par les chants des oiseaux de la garrigue ardéchoise.
Mais que se passe-t-il dans ce lieu isolé surplombant les gorges du Chassezac ? Le chantier du Hameau des Buis a commencé en 2006. Il s’agit de la construction d’un village écologique et intergénérationnelle d’une vingtaine de logements, une quinzaine de petites maisons occupent déjà le terrain parsemé d’arbres.
Au départ, il existe une petite école à la ferme, la Ferme des Enfants fondée en 1999 par Sophie Rabhi-Bouquet. Après deux ans de fonctionnement et malgré un nombre croissant d’élèves, s’est posée la question de la pérennité de celle-ci. Pour soutenir financièrement la Ferme des Enfants, Sophie eut l’idée de créer un lieu de vie associant l’école et des logements pour retraités. D’une part les résidents trouveraient une satisfaction à partager du temps et des activités avec des enfants et d’autre part la location des logements permettrait d’aider financièrement l’école. L’idée a évolué pour aboutir en 2003 à la création de la société civile du Hameau des Buis par un collectif de retraités prêt à s’investir dans un projet de voisinage solidaire. Le terrain est acheté en 2004, il comprend un vieux mas traditionnel et sept hectares, dont un hectare de terrain constructible.

Construction et écologie

L’aventure peut commencer. Sophie et son mari Laurent Bouquet ne sont pas des entrepreneurs en bâtiment et le projet peut paraître fou. Ils ne vont pas miser sur des compétences qu’ils ne possèdent pas, mais plutôt sur la dynamique et l’implication du collectif à trouver des solutions. Ils sont prêts à faire des erreurs, à agir en conséquence par un dialogue constructif de l’ensemble des acteurs du projet. C’est une expérience collective qui s’engage. Ils décident de s’entourer de professionnels en adéquation avec leur objectif d’un projet d’habitat groupé et écologique. Le projet architectural est confié à Pierre-henry Gomez, il comprend la rénovation du mas, la construction d’une école et de vingt logements, allant du T1 au T4. La conception des bâtiments inclut les procédés bioclimatiques, l’utilisation de matériaux écologiques, une bonne isolation et l’apport solaire passif pour atteindre une « très haute performance énergétique ». De plus le Hameau des Buis est construit autour d’un mode de vie écologique, assainissement des eaux par filtres plantés, économie et récupération des eaux, toilettes sèches, co-voiturage, tri et gestion des déchets, achats groupés, mutualisation d’espace et d’outils, jardinage et élevage biologique, modes de consommation privilégiant le commerce local… En résumé, comme l’indique la chartre du hameau, « Faire vivre un collectif de personnes en relation avec son environnement, dans le respect de celui-ci ».

Le collectif comme base de travail

Bien sûr le projet a rencontré des obstacles, notamment administratifs à cause de l’envergure du projet. L’obtention du permis de construire a ainsi été retardé de huit mois. Il a également fallu trouver un mode de financement et des ajustements juridiques adéquats pour répondre aux intentions non spéculatives du projet, tout en préservant le patrimoine des individus et leur droit d’usage. De telles questions sont débattues lors des réunions mensuelles de l’assemblé des futurs résidents et la viabilité du projet se joue dans ces moments là. Les grandes orientations sont décidées au vote majoritaire qui tend le plus possible vers le consensus. Pour éviter une minorité spoliée, il est mis en avant le dialogue, l’écoute et l’objectif commun du projet et de ses valeurs, dont la plus importante « vivre ensemble ». Ce n’est pas facile, plusieurs personnes ont abandonné le projet en cours de route, d’autres sont arrivées, avec le temps le groupe y gagne en cohésion. D’autre part le projet s’est ouvert aux actifs et familles, néanmoins une proportion de la moitié des logements reste réservée aux retraités.

Un chantier pour tous

Une autre difficulté, et de taille, est apparue rapidement, le budget ne permettait pas de construire avec des entreprises. Le choix s’est donc porté sur la solution de l’autoconstruction. Des salariés professionnels encadreront une équipe de bénévoles dans le cadre d’un chantier participatif. Depuis 2006, plusieurs centaines de personnes sont passées par le Hameau des Buis, animées par un désir d’apprendre ou tout simplement d’aider. Il faut discuter avec ces bénévoles, qui pour certains sont là depuis plusieurs mois, pour entendre leur attachement au projet et leur satisfaction de construire. Certains ont même appris un métier, Loïc est arrivé sur le chantier comme bénévole en octobre 2007, au bout de huit mois de travail, il a été engagé comme charpentier. Pour lui « Le collectif ça réchauffe, c’est humain et tu n’as plus besoin de télé », le projet d’habitat groupé est déjà en place. D’ailleurs, chaque bénévole doit s’occuper à tour de rôle de la cuisine et de l’entretien général. Quant aux futurs résidents, certains ont installé leur caravane d’autres ont commencé d’investir leur futur logement, façon camping en intérieur. Pour ceux qui le peuvent, venir participer au chantier est devenue une nécessité de vivre le projet au plus prés qui s’accompagne du plaisir de côtoyer le brassage des bénévoles. Jacques a 74 ans Ingénieur aéronautique puis créateur d’une entreprise de produits bio, il voit dans le Hameau des Buis une possibilité d’élaborer de nouveaux projets. Il compte se lancer dans la sauvegarde de semences. Pour lui le projet est une suite logique de sa démarche et il est optimiste sur son aboutissement, « C’est une aventure avec beaucoup d’incertitudes. Mais c’est une démarche juste, car créatrice, donc le projet doit aboutir. »

Penser à demain

Depuis 2007, le chantier a bien avancé et l’échéance d’une année semble envisageable pour finir la construction des vingt logements. Malgré tout le projet ne reste pas figé puisque cette année a vu l’installation d’une exploitation maraîchère biologique et la création d’une AMAP ( Association pour le maintien d’une agriculture paysanne ) sur 3 hectares de terrain prêté par un agriculteur voisin. Dans un premier temps cette exploitation fournit une partie des légumes et des fruits pour les repas de la collectivité, dans le futur les surplus seront proposés à la vente. Le but du hameau n’est pas de vivre en autarcie, mais plutôt d’offrir une ouverture. Le brassage des bénévoles de tout âge et nationalités en est une preuve, mais aussi la création d’un gîte au sein du hameau. Pour l’ensemble des acteurs du projet, le Hameau des Buis est un prototype qui peut servir d’exemple à d’autres initiatives. Ils ont mis en place une démarche de partage d’expériences en donnant accès à leur données techniques, financières et juridiques. Le hameau est un lieu d’expérimentation sur plusieurs points, c’est une mise en œuvre d’un mode alternatif d’habitat salubre et peu consommateur d’énergie avec une mutualisation des savoir-faire pour sa conception. Au niveau des relations humaines, c’est une réflexion sur le « vivre ensemble » par le décloisonnement des générations afin d’enrichir globalement un groupe social. Le Hameau des Buis est tourné vers l’avenir et la présence d’une école en son sein n’est pas anodine. Laurent Bouquet en précise la démarche « Le maître mot du projet est l’enfant. Nous agissons comme si l’enfant était témoin de ce que nous faisons. Du coup, c’est une remise en question de notre impact sur ce qui nous entoure. L’enfant nous parle de l’avenir, alors en se préoccupant de lui, on se préoccupe de ce qui se passera plus tard et de ce que l’on a envie de vivre demain. Donc cela vaut le coup de préparer les ressources pour aider l’enfant à devenir l’adulte de demain »

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